Entre banques et courtiers immobiliers, la guerre est déclarée. Les banques resserrent le ton et les conditions de rémunération de leurs partenaires. Mais à la fin, ce sont les clients qui vont boire !
Fin de l’idylle entre courtiers immobiliers et banques. Désormais, c’est par des lettres d’avocats interposées que les deux professions se parlent, prenant le ministère des Finances comme témoin. Les courtiers dénoncent la pression exercée par les banques et la réduction des commissions attribuées sur chaque prêt. Les banques disent que les prêts immobiliers n’en valent plus la peine et qu’elles sont obligées de réviser les conditions données aux courtiers.
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Pourtant, comme dans les plus belles histoires d’amour, tout a bien commencé. Pour répondre à l’enthousiasme français pour l’achat de biens immobiliers, les banques ont largement compté sur les courtiers en crédit, les indépendants payés pour la contribution des clients et les dossiers. Au point que ces forces de vente indépendantes génèrent maintenant 40% des demandes immobilières, et même jusqu’à 60% en région parisienne.
Une manne colossale pour les courtiers. D’autant plus que depuis plusieurs années, le marché du crédit immobilier a explosé, stimulé par la baisse continue des taux d’intérêt.
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En 2019, les prêts immobiliers se sont élevés à 258 milliards d’euros, soit 21% de plus qu’en 2018. Cela porte le stock de prêts immobiliers dans notre pays à 1.078 milliards d’euros. C’est plus qu’un emprunt d’entreprise. Ce surgo s’explique par le niveau record des transactions immobilières (plus d’un million dans l’ancien) et, surtout, par des taux historiquement bas, accordés pour de longues périodes. La moyenne était de 1,13% dans l’ensemble, et de 1,33% pour les crédits sur 25 ans, selon les chiffres de l’Observatoire du crédit au logement.
Mais pour les banques, ces crédits sont chers. Très cher. Bref, ils ne ramènent rien. Selon le HCSF (Haut Commissaire aux Finances Security), dans son dernier rapport sur l’activité de crédit immobilier, « les marges nettes de ce coût estimatif de traitement ont fluctué autour de zéro depuis la fin de 2016 ».
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Les banques utilisent le crédit immobilier pour ouvrir des comptes
La raison pour laquelle les banques continuent de se battre sur ce marché est qu’elles espèrent, selon le HCSF, « compenser ce déficit par la marge positive d’autres activités facilitées par le recrutement de clients lors des prêts immobiliers, ou même par la fourniture de assurance liée à des prêts ou des actifs financés.
» En d’autres termes, les banques rendent difficile la vente, à chaque nouveau client, d’une gamme complète de services (carte bancaire, assurance, produits d’épargne, etc.), beaucoup plus rémunérateurs.
Sauf que parmi les courtiers, certains petits intelligents sont venus à la tête de la concurrence avec les banques sur leurs « caisses automatiques » aussi bien. Propriété assurance (voitures, maisons), épargne… et surtout assurance emprunteur.
Estimé à 9 milliards d’euros, le marché français de l’assurance emprunteur, convoité dans un contexte de faibles taux d’intérêt érodant les marges bancaires sur les prêts, reste largement dominé par les banques qui profitent généralement de la signature d’un prêt pour placer leur assurance crédit « maison ».
Maintenant, les courtiers veulent essorer les clients eux-mêmes. Le coup trop, pour les banques !
Dans certaines grandes entreprises, la décision a été prise de remettre en question leur partenariat avec les réseaux de courtage. « La guerre est déclarée », dit même Les Échos, l’un des plus grands courtiers français.
Un changement de stratégie que le député Martial Bourquin, à l’origine des amendements visant à ouvrir le marché de l’assurance emprunteur, dénonce fortement. Prenant les arguments des courtiers, il a dit que « il semblerait que les banques font pression courtiers avec de nombreux obstacles », en particulier « qu’ils offrent l’assurance de la banque comme assurance emprunteur et ne pas concurrencer ».
Selon lui, plusieurs groupes bancaires ont changé les accords qu’ils ont avec les courtiers : réduction de la commission bancaire, frais pour les clients qui augmentent, et un désaccord si trop de délégations d’assurance sont effectuées par le courtier.
C’ est le cas de la BPCE (Banque Populaire Caisse d’Epargne) qui a décidé de réduire de 20 à 50 % la commission versée sur chaque dossier. « Presque toutes les banques paient 1% du montant emprunté. Chez BPCE, ils paient désormais 0,80 % à Paris ou 0,5 % dans certaines régions », explique un courtier.
Le système accentuera les dérives parmi les courtiers immobiliers
En conséquence, sur un dossier à 250 000 euros, le courtier passe de 2 500 euros en commission à 2000 euros, soit 500 euros en perte sèche. Une diminution de l’indemnisation qui aura plusieurs conséquences pour les clients.
Premièrement, une augmentation des frais de courtage perçus directement par les courtiers sur leurs clients. Aujourd’hui, ils sont entre 500 et 2 000 euros par dossier. Mais les mouvements vers le haut sont déjà perceptibles. Parce que si les courtiers vont certainement continuer à modérer les frais pour les clients qui viennent sur les recommandations de l’une de leurs connaissances, d’autre part, les prix vont augmenter pour les clients « refusés » par les agences immobilières ou les notaires. Contacts qui « leur coûtent » entre 400 et 1000 euros. Plus grave, le système accentuera la dérive parmi les courtiers. Outre la commission proportionnelle, le véritable défi pour le courtier est de jongler avec les plafonds de commissions, qui vont de 3.000 euros par dossier à la LCL à 6.000 euros au Crédit Agricole, à 4.500 euros à la Banque Populaire de Bred.
« Le courtier mettra en évidence la banque qui pratique les plafonds les plus élevés », explique un expert du marché. Au risque de ne pas offrir les meilleures conditions d’emprunt au client.
Suite aux avertissements sur le surendettement de la Banque de France, la grande tendance des banques est de petits fichiers, moins de 300 000 euros empruntés. Logique. Les banques génèrent plus de bénéfices grâce à des ventes supplémentaires (compte, épargne, etc.) avec trois clients empruntant 300 000 euros qu’avec un seul 900 000 euros.
En conséquence, les courtiers « saucisse » projets dans plusieurs dossiers de crédit (prêt relais, rachat de crédit, emprunt, etc.) et se tournent vers des banques telles que la LCL, qui effectuent une commission sur le dossier et non sur le client.
Tous ces biais sont susceptibles de fermer un peu plus le robinet du financement immobilier aux particuliers. Si les taux sont relativement stables, le nombre de crédits accordés entre novembre 2019 et janvier 2020 a déjà baissé de 6,7 %. La tendance devrait se poursuivre.